ATTAC France : Sortie de crise ?

par Christian DELARUE Secrétaire national du MRAP Membre élu du CA d’ATTAC
Publié le mercredi  13 septembre 2006

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Que l’on soit convaincu de fraude lors des
dernières élections du CA en juin 2006 ou que l’on évoque plus
pudiquement ou plus prudemment des « anomalies » ATTAC ne
saurait aborder son avenir sans examen de son passé afin d’inventer une
solution viable à sa crise.

Une présentation minimale s’impose : Je suis
délégué d’une organisation cofondatrice d’ATTAC, le MRAP (Mouvement
contre le Racisme et l’Amitié entre les Peuples). Je suis aussi
altermondialiste convaincu (plusieurs interventions sur ce thème et des
articles dans Différences revue du MRAP). Je suis aussi un fondateur
actif dans un comité local, celui de Rennes, ce qui est assez rare.

Avant les AG de Rennes, j’étais « non
aligné » tout comme mon comité rennais d’appartenance. Depuis
Rennes pendant l’été 2006, j’ai été élu non siégeant .

Je souhaite participer à remettre sur pieds ATTAC, une
association « à nulle autre pareille », avec tous donc sans
exclusion. Et « du pire peut naître un bien ».

J’aborde successivement trois grands points :
1 - La montée en puissance de la crise d’ATTAC
2 - L’acmée : 2005- 2006

3 - Pistes pour une résolution de la crise

1. - La montée en puissance de la crise d’ATTAC

I - Le débat qui a fait suite à Larzac 2003

1)Jacques NIKONOFF écrit en septembre un article dans Le Monde

2)Comprendre pourquoi certains « alters »
s’en prennent au stand du PS : ATTAC critique le socialibéralisme
comme variante du libéralisme
Le drame des années Jospin après les années Mitterrand
L’échec du « printemps 2003 » : Ces contestataires se
souviennent du socialibéralisme de la CFDT et de la
« sagesse » d’une partie de la CGT (l’aile Jean-Christophe Le
Duigou qui soutiendra aussi le Oui au TCE)
Le PS et même la « gauche plurielle » symbolise ce
socialibéralisme honni
Un appel dit Ramulaud « pour une alternative à gauche » - PAG

  • de juillet 2003 confirme cette analyse et propose une perspective.

3)Un débat mal engagé ou « l’art de s’en prendre au PS avec les précisions utiles » :

  •  Le PS n’est pas l’intégralité du parti :
    une fraction reste à gauche qui critique comme nous l’appareil
    socialibéral. (Lire Filoche and co.)
  •  Les militants du stand du PS sur le
    Larzac étaient des camarades altermondialistes : Et alors ?
    Ce n’est pas eux qui étaient agressés mais le parti qu’ils défendent .
  •  Il n’était pas utile de démonter ce stand . Certes . Nul n’a défendu l’utilité de cette opération.
  •  Pour autant le rôle d’ ATTAC n’est pas
    de défendre le PS et de stigmatiser « ceux d’en bas » qui
    souffrent du social-libéralisme

    II - 2004 ou « le coup d’état » manqué des listes 100% Alter :une « initiative »

    mal engagée en interne : l’opération d’un
    quarteron de militants a été menée en catimini sans information de
    l’organisation, ni des adhérents individuels ni des adhérents
    organisationnels . Ici apparaît pour la première fois, à ma
    connaissance, le déficit démocratique d’ATTAC. La méthode du consensus
    a également été déficitaire.

    mal engagée en externe : à l’égard des forces
    politiques et sociales déjà pleinement engagées dans la recomposition
    politique - ce qui allait devenir les CCAG - et des forces politiques
    de gauches potentiellement partenaires à savoir la fraction gauche des
    Verts et du PS plus le PCF et la LCR (le PT et LO n’étant pas
    traditionnellement candidates à ce genre de recomposition).

    III - La « Nouvelle dynamique » d’ ATTAC ou l’élargissement problématique du champ de compétence d’ ATTAC

    de la taxe Tobin à la lutte contre la financiarisation du monde ;
    de l’AGCS à la tendance à la marchandisation des services ;
    de l’appropriation publique et citoyenne à l’alter-démocratie
    L’alterdéveloppement ou la liaison du social et de l’écologie
    Etc.. (voir site)

    La question de l’élargissement du champ de compétence
    d’ ATTAC a rebondi en 2005 sur celle des statuts à modifier mais
    seulement une minorité d’adhérents s’est emparée de ce débat.

    Nous sommes de facto une association de transformation
    transnationale et globale du monde au profit des citoyens et des
    peuples.

    2. - L’acmée : 2005- 2006

    Cette période de crise exacerbée part de du soir du 29 mai et n’est pas terminée.

    I - Entre le 29 mai et l’AG de décembre 2005 à La Roche sur Foron

    1) La question du style de direction (ré)apparait :

    La contribution des trois vices-présidents
    L’intervention de Thomas COUTROT à l’université d’été d’ATTAC 2005
    La prise de position de Susan GEORGE avant les élections réclamant des élus de soutien face au clan Nikonoff.
    Une confirmation ? Le CA d’ATTAC comme lieu d’affrontement particulièrement virulent.

    2) Le pendant à la question du style de direction :

    Les pro Nikonoff accusent eux le « style » de
    détermination du choix des membres fondateurs valablement candidats à
    l’élection du CA. Il fustige plus exactement la méthode bureaucratique
    et secrète de présentation des candidats sur une liste bloquée et ils
    demandent l’ouverture du choix des candidats « membres
    fondateurs ».

    3) Derrière l’affrontement se profile en fait plusieurs conceptions d’ATTAC :

    A) Les conceptions organisationnelles concevables, possibles :

    a) L’option proto-parti : Il s’agit de conformer
    ATTAC en quasi-parti pour qu’il puisse intervenir dans les élections
    françaises sans cependant. Comme pour la création de la liste politique
    « 100% Alter », la solution « proto-partidaire »
    suppose de se séparer des syndicats car ils doivent maintenir leur
    indépendance à l’égard du patronat mais aussi du gouvernement. La
    stigmatisation des « fondateurs » vise essentiellement les
    syndicats accusés de modérer les exigences du mouvement.

    Pour les « proto-parti » le Manifeste d’ATTAC
    doit servir principalement voire exclusivement lors des prochaines
    élections. C’est un outil de combat contre les libéraux et
    sociaux-libéraux.

    b) L’option mouvementiste :
    « L’enfouissement » dans les forums et dans le mouvement
    social avec une ATTAC strictement mouvementiste donc sans position
    propre voire sans apparition propre car focalisée sur ce qui
    « bouge », sur les mouvements sociaux , sur les processus -
    l’altermondialisation - mais oublieuse des buts de l’altermondialisme.

    Le Manifeste doit rester ouvert, ne pas trancher
    certaines questions qui font débat et ne pas ressembler à un programme
    politique. Le terme même du Manifeste fait problème par sa proximité
    avec le manifeste communiste et les manifestes des partis politiques

    c) L’option altermondialiste : ATTAC se constitue
    en mouvement critique orienté vers un but et porte constamment les
    exigences nécessaires à la réalisation de ce but : l’autre monde
    que nous voulons (mais aussi l’autre Europe et l’autre France). Il ne
    s’interdit pas d’intervenir ici et maintenant dans les futurs élections
    françaises mais son champ d’action et ses perspectives historiques ne
    sauraient se limiter à l’ici et maintenant.

    Pour les altermondialistes, le Manifeste d’ATTAC doit
    contenir de réelles ruptures dans tous les champs de l’existence
    humaine, économique, sociale, écologique, culturelle. L’alternative se
    porte avec toutes les composantes du mouvement social, les syndicats,
    les associations voir les partis politiques dans un cadre unitaire mais
    aussi contre ces acteurs politiques lorsqu’ils s’inscrivent dans la
    vision du monde dite de la « fin de l’histoire »

    B) Deux conceptions organisationnelles pour une seule orientation ?

    C’est la thèse notamment défendue par Jean-Marie
    HARRIBEY à l’université d’été de 2005 : Il n’y aurait qu’une
    orientation globale avec certes quelques inflexions ici ou là mais deux
    conceptions de l’organisation qui la porte avec d’un côté les
    proto-parti (Nikonoff-Cassen ) de l’autre les mouvementistes
    (SusanGeorge, Gus Massiah ; G Azam).

    La préparation de l’AG de La Roche sur Foron n’a pas
    permis la vérification pratique de cette hypothèse. Il était prévu un
    seul texte d’orientation mais avec des « fenêtres »
    d’expression des désaccords sur tel ou tel point particulier. Cette
    préconisation qui mettait en exergue à la fois une armature commune et
    des points de divergences n’a pas trouvé d’application.

    L’histoire montre que cet abandon est dommageable
    notamment en rapport avec la solution « rennaise » des deux
    textes porteuse de forts risques de clivage. Le choix de sortie de
    crise des adhérents présents à Rennes se comprend fort bien - pouvoir
    choisir clairement - mais la solution est plus risquée que celle qui
    devait être pratiquée avant La Roche sur Foron.


    II - De l’AG de La Roche à aujourd’hui (de décembre 2005 à septembre 2006)

    1) La question posée par l’AG de La Roche sur Foron de décembre 2005 est :

    Comment dégage-t-on une orientation dans ATTAC ?
    Le consensus suffit-il ? Faut-il un texte d’orientation à
    « fenêtres » ? La solution semblait pencher vers une
    combinaison des « deux : consensus » d’une part pour
    l’armature commune du texte d’orientation et d’autre part une présence
    des fenêtres pour la mise en évidence des différences de conception
    dans l’orientation et dans la composition ou la « nature » d’
    ATTAC. Le texte final monolithique a été beaucoup critiqué.

    2) La crise éclate à Rennes lors des AG des 17 et 18 juin 2006 : « l’appel du 18 juin »

  •  Sur la question de la fraude : Les
    mauvaises conditions du dépouillement étaient avérées mais sans doute
    pas connues de l’ensemble du mouvement. La question de la fraude
    apparaît donc à de Rennes avec 1 la publication des résultats, 2
    l’intervention de Bernard CASSEN devant 300 adhérents décrivant combien
    il était aisé de tricher lors des dépouillement et 3 les premières
    analyses statistiques qui montrent à l’aide de tableaux des anomalies
    surprenantes. Pour certains il y a eu fraude, pour d’autres non. Les
    partisans de la fraude refusent de siéger au CA. Des groupes de
    discussion se forment entre élus siégeant et élus non siégeant, le tout
    hors de la plupart des adhérents qui restent en attente et ignorent les
    raisons de cette division.
  •  « L’appel du 18 juin » : La
    crise de direction sous-estimée apparaît alors violemment et heurte la
    base du mouvement qui dans un sursaut méritoire décide par un appel à
    une clarification sur des orientations. L’exigence première est bien de
    savoir les divergences d’orientation entre les deux fractions opposées
    de la direction.

    3) La guerre des camps : De Rennes à l’Université d’été de Poitiers

    De nouvelles élections doivent intervenir pour élire un
    nouveau CA sur cette base de deux orientations. ; La question de
    la fraude a agitée l’association durant tout l’été. La bataille a fait
    rage autour des analyses statistiques. Deux menaces de procès sont
    intervenues ; l’une contre Thomas COUTROT est en cours
    d’exécution.
    Finalement c’est le rapport de René PASSET (site ATTAC) publié la
    veille de l’université d’été qui va peser sur la très forte probabilité
    de la fraude qui va être à l’origine d’une commission exécutive mixte
    paritaire.

    3. - La résolution de la crise

    I. - « Du pire peut naître un bien »

    1) L’apparition d’une troisième voie

    La question s’est posée d’une réelle troisième voie,
    notamment par rapport à l’existence des fondateurs. Comme délégué du
    MRAP, et comme membre soucieux de sauver ATTAC, je suis intéressé de
    près par cette initiative pour peu que la place des fondateurs me
    paraisse correcte. Je suis en contact avec Henri Racine, l’un de ses
    initiateurs. Régine TASSI membre du CA a soutenu leur texte. La
    réélection du CA se fera donc sur la base de trois textes d’orientation

    2) Nécessité du « lâcher prise »

    La question de la fraude n’est pas restée clandestine.
    La presse en a abondamment parlé. Il faut donc opérer un grand
    changement, fondé sur l’abandon réciproque du combat interne. Il faut
    « lâcher prise. » Pour le noyau directionnel il faudra
    l’intervention de « casques bleus ». Pour le reste du
    mouvement, nous pouvons rester ensemble car il n’y a pas « une
    organisation qui a fraudé » et qui serait pestiféré. Pour autant,
    la fraude est chose grave et le mouvement ne saurait la banaliser. Mais
    la présomption d’innocence s’impose. De plus si la fraude est avérée,
    nul ne sait qui a fraudé. Enfin il n’y a pas d’un côté des saints et de
    l’autre des immoraux. La chute est concevable pour tous et chacun, il
    convient de tout faire pour l’éviter. Cela exige une certaine
    discipline et d’intégrer cette dimension éthique dans notre activité et
    orientation.

    La conflictualité au sein de l’exécutif et du Conseil
    d’Administration est telle qu’elle tend désormais à s’étendre à
    l’ensemble de l’association et qu’elle risque de nuire à l’ensemble du
    mouvement donc au combat qu’elle mène contre le néolibéralisme.

    Deux solutions ne semblent pas partagée donc ne portent
    pas. Il s’agit d’une part de la démission de tout le CA (B Cassen) ou
    d’autre part la solution de la disparition du noyau directionnel en
    conflit dur perpétuel ce qui signifie effacement simultané des trios de
    chaque camp : JN BC MD et SG GM PK . Aucune de ces solutions n’est
    acceptée par l’autre camp.

    Il reste donc l’abandon du conflit sous pression des
    « non-alignés » et des comités locaux. Chacun des camps en
    présence abandonne ses armes : les statistiques sur la fraude d’un
    côté, la mise en procès de Thomas COUTROT de l’autre côté. Le refus des
    exclusions au Conseil scientifique comme au CA.

    II. - La solution altermondialiste : « marchons sur les deux jambes »

    1) - Les activités propres d’ATTAC :
    contre la financiarisation du monde ;
    contre l’AGCS et l’OMC, pour la défense et réhabilitation des services publics hors logique marchande ;
    pour l’appropriation publique et citoyenne et l’alter-démocratie
    Le « Manifeste » d’ ATTAC a ajouté des thématiques : Les ruptures doivent intégrer 12 secteurs d’intervention..

    2) - Les activités unitaires sont de deux sortes :

    au sein de collectifs

  •  aux contours variables avec des syndicats de salariés et de paysans, des associations et des partis le cas échéant :
  •  Exemple : en 2003 pour la défense
    et promotion de la Sécurité sociale et des retraites et contre la
    décentralisation-féodalisation, en 2004 pour la santé contre la réforme
    Douste-Blazy ; en 2005 contre le projet de traité constitutionnel
    européen dans les collectifs pour une autre Europe (collectifs du 29
    mai) ; en 2006 avec la participation de comités locaux aux luttes
    contre le CPE et aux luttes de défense des sans-papiers.

    au sein des forum : ATTAC participe à la
    construction des FSM, FSE, FSL et autres forum respectant la Charte de
    Porto Alègre. Cette participation est offensive et critique car
    l’altermondialisation comme processus fait converger des forces qui ne
    se sont pas clairement dégagées du socialibéralisme. Or
    l’altermondialisme lui ne s’inscrit pas dans « la fin de
    l’histoire », il veut un autre monde.

    Christian DELARUE Secrétaire national du MRAP Membre élu du CA d’ATTAC


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