un Malien passé à tabac dans un avion, un passager solidaire interpellé

Violences policières et répression de la solidarité accompagnent les expulsions
Publié le lundi  28 mai 2007

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Ci-dessous un texte rédigé par des passagers du vol Air France 796 pour Bamako du 26 mai 2007. Pour s’être indigné des mauvais traitements infligés à un Malien
reconduit de force, plusieurs passagers ont été menacés, l’un d’entre eux interpellé, placé en garde à vue et menacé de poursuites. Pour finir le vol
a été annulé tandis que l’expulsé était évacué en ambulance, inconscient et langue pendante.

Ces pratiques d’une extrême violence sont inadmissibles. Mais il est profondément encourageant de constater qu’elles ne sont pas admises et que,
régulièrement, des passagers se révoltent contre elles. Face à cela, le précédent gouvernement, comme semble-t-il celui qui est en train de se mettre
en place, réagissent par la tentation de criminaliser une réaction citoyenne
Bien entendu, le RESF assure Michel Dubois et les autres passagers du vol AF 796 de son entière solidarité. Il exige qu’aucune poursuite ne soit engagée
contre lui ou contre tout autre passager.
Il demande instamment à Air France de prendre ses responsabilités envers les passagers dont elle assure non seulement le transport mais aussi la sécurité
en condamnant avec la plus extrême fermeté ces violences.
Ce sont les forces de police qui, par leur brutalité, ont contraint les passagers à intervenir pour les faire cesser devant l’inaction d’Air France

Le RESF attend des informations sur le sort du passager dont la reconduite a été impossible. Quel est son état de santé ? Où est-il ? Quel est le sort
auquel il est promis ?

Ces affaires (voir le rappel des précédents en fin de document) ne resteront pas sans suites. Une défense coordonnée des victimes de la criminalisation de la
solidarité est mise en place.

TEMOIGNAGE DES PASSAGERS DU PARIS-BAMAKO DU 26 MAI 2007

Samedi 26 mai. Vol AF 796 pour Bamako.

Quelques minutes avant la fermeture des portes, des cris au dernier rang de l’avion. Une reconduite à la frontière classique.

Deux personnes tentent de contenir un homme d’une quarantaine d’années qui se débat violemment. On croit d’abord à une bagarre entre passagers.
Certains veulent les séparer mais en sont vite dissuadés par les policiers qui se font alors connaître. S’ensuit une scène d’une grande violence :
l’un des policiers pratique un étranglement sur le passager, l’autre lui assène de grands coups de poing dans le ventre. Ses hurlements se transforment
en plaintes rauques. Cette tentative de maîtrise dure dix bonnes minutes, peut-être plus, et suscite immédiatement chez les passagers un mouvement de
protestation qui n’a aucun effet sur les violences en cours.

L’un des passagers filme la scène avec son téléphone, ce qui énerve un peu plus la responsable de l’opération, qui menace d’arrestation les personnes
les plus proches et photographie les protestataires.

Pour tenter de faire taire tout le monde, la policière explique que l’homme n’est pas un simple sans papiers, mais un repris de justice, soumis à la
double peine. Cela semble à ses yeux justifier la méthode et toute la violence exercée sur lui.

Sous les huées des passagers, l’homme finit par être immobilisé et sanglé. Il perd connaissance, yeux révulsés, langue pendante, écume aux lèvres.
Un mouvement de panique gagne les policiers. Ils prennent alors la décision de l’évacuer. Autour de nous, de nombreux passagers imaginent que l’homme
est mort, ce qui fait encore monter d’un cran l’émotion. Des femmes pleurent, des gens convergent de tout l’appareil, rajoutant à la confusion. C’est
alors qu’une bonne dizaine d’agents de la Police des Air et des Frontière, la PAF, fait irruption dans l’appareil.

Désigné par la responsable de l’opération, Michel Dubois, qui comme nous tous avait pris part aux protestations, est débarqué pour auditions. D’autres
passagers, choqués par cette arrestation, sont à leur tour menacés du même sort.

A bord, on nous demande vainement de nous rasseoir, de nous calmer mais beaucoup exigent le retour de Michel Dubois. Un des policiers, visiblement dépassé
par la situation, nous propose alors un marché : Michel pourrait réembarquer à condition que l’expulsé remonte lui aussi à bord. La balle était donc dans
notre camp, nous serions responsable du retard de l’avion, et même de l’éventuelle annulation du vol. Michel devenait clairement une monnaie d’échange

Cette proposition inacceptable est d’ailleurs tout de suite contredite par un policier de la PAF qui annonce la garde à vue de Michel Dubois et réitère
ses menaces à l’égard des passagers qui campent sur leurs positions.

Le commandant de bord finit par faire une annonce, dans laquelle il fait état de "manoeuvres" d’un individu refusant d’être reconduit dans son pays
d’origine, et de manifestations d’une minorité de passagers pour expliquer l’annulation du vol.

Nulle mention des violences dont nous avions été témoin, ni de l’état de santé du passager pourtant aperçu dans une ambulance stationnée au pied de
l’appareil, toujours inconscient et sous assistance respiratoire.

Nous sommes nombreux, comme Michel Dubois, à être choqués par la barbarie de la scène, par le traitement excessivement violent qui a été infligé sous
nos yeux à cet homme, fut-il repris de justice, (ce dont il nous est d’ailleurs permis de douter, puisqu’afin de ne pas attirer l’attention des autres
voyageurs, les policiers avaient d’abord décidé de le faire voyager sans le menotter).

Nombreux aussi à avoir la désagréable impression d’avoir été pris en otage par les autorités et profondément choqués par l’attitude du Commandant de bord
d’Air France qui n’est pas intervenu pour faire cesser ces violences les tolérant même au mépris de la sécurité des passagers qu’il se soit d’assurer et en
prenant la responsabilité de faire annuler le vol empêchant du même coup des centaines de personnes de faire le voyage pour lequel elles avaient acheté
un billet.

Nous sommes enfin révoltés d’avoir été contraints de devenir complices des policiers en obéissant aux différentes injonctions et menaces proférées à
notre encontre. Devions-nous laisser se dérouler sous nos yeux des actes d’une telle brutalité ?

Pouvions-nous accepter l’arbitraire de l’arrestation de l’un d’entre nous dont le seul tort avait été de s’indigner et de parler avec les policiers pour
tenter de faire cesser la violence ? Il y a là une pénalisation de la solidarité qui nous semble inadmissible et inquiétante quant à l’état de notre
démocratie.

Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire que cette scène est un cas isolé, une bavure en somme. Nous savons qu’elle se reproduit quasi quotidiennement,
et nous tenons à manifester notre indignation en relatant les faits le plus exactement possible.

Michel Dubois a été relâché quelques heures plus tard, mais on l’a informé que des poursuites seraient engagées contre lui. Quant au passager Malien,
nous n’avons aucune nouvelle de lui, et son état de santé ainsi que le sort qui lui sera réservé dans les prochains jours nous inquiètent au plus haut point.

Des passagers du vol AF 796.

ANNEXE

Pour mémoire, les cas précédents de répression engagée contre des militants du RESF ou des personnes ayant agi dans le cadre de ses actions.

  • Michel Guérin jugé pour diffamation à l’encontre d’un préfet, sur plainte du ministre de l’Intérieur de l’époque, M. Sarkozy après avoir protesté dans un
    courrier contre l’expulsion du journaliste Elvis Kouanga Kazeta. Le verdict est en délibéré.
  • Florimond Guimard, instituteur de Marseille, accusé de violence en réunion avec arme par destination pour avoir empêché, le 11 novembre 2006, l’expulsion
    d’un père algérien de 2 enfants à l’aéroport de Marignane. En réalité, il s’est contenté de suivre avec sa voiture le véhicule de police qui transportait
    l’expulsé. Il sera jugé le 22 octobre et risque 3 années de prison et 45 000 € d’amende.
  • Kadidja, passagère du vol Paris-Bamako du 29 novembre 2006 a protesté avec d’autres contre la présence à bord d’un reconduit qu’elle pensait être Daïm,
    étudiant toulousain que ses camarades du RUSF et du RESF étaient venu défendre à Roissy. Elle risque 5 années de prison et 18 000 € d’amende pour entrave
    à la circulation d’un aéronef.
  • Le 2 décembre 2006, François Auguste, vice-président de la Région Rhône-Alpes, s’adressait aux passagers d’un vol Lyon-Paris pour tenter d’empêcher
    l’expulsion d’une famille. Jeté à terre, molesté, placé en garde-à-vue, il est accusé d’entrave à la circulation d’un aéronef. Il sera jugé le 26 novembre
    à Lyon. Il risque 5 années de prison et 18 000 € d’amende.
  • Tout récemment, quatre militants du Collectif de solidarité avec les Migrants et du RESF de Méru (Oise), par ailleurs militants FSU et CGT (dont le
    responsable de l’UL de Méru) ont été mis en examen pour diffamation envers le maire UMP de Méru pour avoir taxé de « délation » la volonté affichée du
    Maire de dénoncer les prétendus 10% de mariages blancs célébrés dans un quartier de la ville. Ils seront jugés le 29 mai au TGI de Beauvais.

Communiqué / 28 mai 2007 : L’HUMANITÉ DANS LES MOTS, LA BRUTALITÉ DANS LES FAITS

Les suites de la tentative d’expulsion violente de samedi sur le Paris-Bamako

Communiqué du RESF

Le Malien dont l’expulsion a été empêchée le 26 mai par l’intervention de passagers indignés des violences qu’il subissait sur le vol Air France Paris-Bamako est libre.

En effet, bien que la police l’ait particulièrement chargé en portant plainte pour trois motifs (« opposition à une mesure d’éloignement », « refus d’embarquement » et « coups et blessures contre un policier »), le Juge des libertés et de la détention du TGI de Bobigny a décidé de ne pas le traduire en comparution immédiate, de le libérer et de le convoquer en justice le 28 juin. Une décision qui est un démenti cinglant aux rumeurs colportées aussi bien par les policiers dans l’avion que par un collaborateur du ministre tendant à le faire passer pour un dangereux délinquant.

Les conditions de brutalité particulièrement choquantes dans lesquelles s’est déroulée cette tentative d’expulsion sont aussi un démenti sans appel aux propos du nouveau ministre qui, dans ses déclarations, prétend conjuguer "fermeté et d’humanité" (« l’un ne va pas sans l’autre ») alors que dans les faits, la brutalité et elle seule préside aux expulsions. Cette violence à l’égard des expulsés s’accompagne d’une volonté de plus en plus affirmée de réprimer tous ceux qui seraient tentés de ne pas laisser faire, de ne pas se taire, de ne pas fermer les yeux.

Cette affaire, qui a conduit à l’annulation du vol du 26 mai pour Bamako, place Air France devant ses responsabilités : rien, aucune loi, aucun règlement n’oblige une compagnie aérienne, privée de surcroît, à accepter des voyageurs contraints sur ses vols, menottés, parfois bâillonnés, attachés à leur siège et tabassés quand ils protestent. Les clients de la compagnie ne prennent pas non plus des billets Air France pour être menacés par la police quand ils s’élèvent contre des scènes choquantes, et, pour certains d’entre eux, évacués de force de l’avion, molestés, placés en garde à vue et poursuivis, comme le sont Kadidja et François Auguste, traînés en justice et menacé de 5 ans de prison et 18 000 € d’amende pour n’avoir pas toléré les conditions inhumaines imposées aux reconduits. Les passagers d’Air France achètent des billets pour se déplacer dans des conditions normales de sécurité et de confort. Ils veulent voyager dans un avion, pas dans ce fourgon cellulaire volant qu’est devenu, comme bien d’autres vols réguliers, le Paris Bamako qui, dimanche, a transporté silencieusement un nouvel expulsé.


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