Pour une gestion publique de l’eau en banlieue

Publié le samedi  26 avril 2008

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Tribune, par Jacques Perreux, vice-président du conseil général du Val-de-Marne, et Marc Laimé, journaliste, auteur du Dossier de l’eau (édition du Seuil).

Les dernières élections municipales ont permis de mettre en débat dans de
nombreuses villes l’enjeu de la gestion de l’eau. Et beaucoup d’équipes,
aujourd’hui en place, se sont engagées en faveur d’une gestion publique et
citoyenne de l’eau. C’est le cas à Paris, à Toulouse et dans de nombreuses
villes de banlieue parisienne où le contrat du SEDIF (Syndicat des eaux de
l’Île-de-France)
qui regroupe 144 communes, confié à Veolia (anciennement Compagnie générale
des eaux) depuis 1923, arrive à expiration le 31 décembre 2010. À l’issue du
scrutin de mars, le rapport des forces politiques au sein du syndicat a
sensiblement évolué en faveur de la gauche : 70 villes sont dirigées par la
droite, 67 par la gauche, 3 par le Modem et 4 par des équipes sans
étiquette.

Si on retient l’hypothèse que, lorsqu’on est de gauche, on se prononce
normalement pour une gestion publique de l’eau, et si on y ajoute que des
élus de droite ont pris position pour cette option, il est clair qu’une
véritable opportunité est ouverte. Elle ne doit pas être gâchée. Depuis des
années, de nombreuses forces - associations, collectifs de citoyens et
élus - sont mobilisées sur cet enjeu. Elles le font à partir de raisons
diverses :

  • des positions philosophiques, parce que l’eau, en tant que don de la
    nature et bien commun, se doit d’être gérée ensemble, avec comme seul
    objectif l’intérêt général ;
  • des préoccupations sociales, parce que, évidemment, lorsqu’il n’y a pas
    besoin de rémunérer des actionnaires, toujours plus gourmands, le prix de
    l’eau
    facturé à l’usager est moins élevé ;
  • des engagements écologiques, parce que, pour la protection de la
    ressource, de la biodiversité et de la santé, le bon principe de précaution
    est de ne pas déléguer la gestion de l’eau et de favoriser l’implication
    citoyenne ;
  • des dimensions altermondialistes, parce que les peuples qui luttent pour
    maîtriser la gestion de leurs ressources trouveraient, face aux
    multinationales françaises de l’eau, un point d’appui dans la
    republicisation de l’eau en France même.

Ces forces, qui se mobilisent pour l’une de ces raisons ou pour toutes à la
fois, ont aujourd’hui besoin de mutualiser leurs actions, de se coordonner
pour établir une stratégie commune. Les succès des débats, l’écho des
actions, l’impact des enquêtes de l’UFC-Que choisir sur les bénéfices
astronomiques réalisés dans le domaine de l’eau, l’audience des émissions de
radio et de télé consacrées à ce sujet, expriment des exigences fortes de
nos concitoyens, qui doivent se traduire dans la direction et le mode de
gestion du SEDIF. Les tenants du libéralisme perçoivent ce mouvement, s’en
inquiètent et cherchent la parade. Les intérêts financiers en jeu sont
considérables, et on peut supposer que dans le domaine de l’eau les lobbies
ne sont pas moins actifs que dans celui des OGM, dénoncés dernièrement par
des parlementaires de droite.

Par ailleurs, c’est le maire (Nouveau centre) d’Issy-les-Moulineaux, André
Santini, qui préside le SEDIF depuis vingt-cinq ans. On connaît sa
propension à confier au privé la gestion de tout, y compris celle des
ressources humaines de sa ville. On devine que ce n’est pas son amour pour
le service public qui l’a fait devenir secrétaire d’État à la Fonction
publique, étroitement associé au pilotage de la révision générale des
politiques publiques (RGPP), qui traduit une remise en cause sans précédent
du service public. Revendiquant ouvertement le cumul des fonctions, André
Santini est aussi le président de l’Agence de l’eau Seine Normandie, dont le
vice-président est un dirigeant de Veolia. On a beau être une « grosse
tête », outre la charge de travail, le cumul en question ne profite ni à
l’eau
ni à la démocratie.

Depuis l’été 2006 le SEDIF a engagé une étude du futur mode de gestion du
syndicat, à l’expiration de l’actuel contrat qui le lie à Veolia. Les
nouveaux délégués issus des élections municipales éliront leur bureau et
leur président le 15 mai prochain. Ils seront consultés dès cet été sur le
futur mode de gestion du syndicat, et il est prévu qu’ils décident dès
octobre 2008 de choisir une gestion publique ou privée pour l’avenir. Cette
précipitation soulève nombre d’interrogations. Ces délégués pourront-ils
émettre un avis éclairé, en un laps de temps aussi bref, sur des dossiers
d’une
grande complexité technique ? La procédure mise en œuvre depuis l’été 2006
présente-t-elle toutes les garanties d’objectivité ? Avant de se prononcer,
il apparaît indispensable de se donner les moyens d’une véritable
contre-expertise des différentes options de gestion. Les enjeux sociétaux et
environnementaux de la gestion de l’eau en Île-de-France sont d’une telle
ampleur qu’ils appellent un examen serein et objectif d’évolutions dont la
maîtrise ne peut être abandonnée ni à un courant politique, ni à une
coalition d’intérêts privés. Porteurs des attentes exprimées par leurs
concitoyens qui les ont élus, les nouveaux délégués du SEDIF ont l’occasion
de refonder un nouveau pacte démocratique et citoyen autour d’un enjeu
essentiel. En lien avec une mobilisation qui monte en puissance [1], la
refondation d’un nouveau pacte démocratique et citoyen autour de l’eau
serait ainsi à portée de main.

(*) En charge de l’eau, de l’assainissement, des énergies renouvelables et
du développement durable.


première publication

[1Une coordination regroupant citoyens, associations et élus attachés à la
promotion d’une gestion soutenable, démocratique et citoyenne du service
public de l’eau est en cours de constitution en Île-de-France.


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