Femme malienne, femme africaine

Publié le lundi  22 juillet 2013
Mis à jour le mercredi  24 juillet 2013
par  Faugeron Daniel
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Ta façon de marcher. Ton port de tête. La précision de tes gestes quand tu mets ton enfant au dos, ou quand tu repositionnes ton pagne. La volonté qui allonge ton pas pour rejoindre ton époux aux champs, malgré la charge sur la tête. Ta capacité à faire baisser le prix des condiments. Ton autorité quand tu tends les sacs au jeune qui marche à tes côtés. Le rythme de ton bras pour que ton pilon ne touche pas celui de ta sœur. Ta volonté que tout le monde mange à sa faim. Ton exaspération ponctuée d’un bruit de bouche inimitable et d’un mouvement de tête qui en disent long. Femme malienne aux mille couleurs !

Un soir, au détour d’une conversation, tu m’as dit que tu veillerais à ce que ta belle famille ne touche pas à ta petite fille. Ton mari et toi êtes d’accord, on ne coupera pas votre enfant. Mais, tu m’as aussi confié que tu redoutais, qu’un jour, il t’impose quelqu’un de l’autre côté de la cour.

Que tu sois assise devant les aubergines que tu vends au marché, ou que tu sois confortablement installée dans ton salon, ton cœur souffre pour tes sœurs. Celles qui ont été obligées de se voiler dès les premières heures de 2012. Celles qui ont été mariées pour quelques heures, à des hommes différents, pendant des semaines. Ces jeunes filles qui ont donné naissance au fruit de la violence. Celles, qui, comme au Mali, en RD Congo, en Centre Afrique et ailleurs, sont les premières victimes des conflits qui déchirent leurs pays. Celles qui ne vont pas à l’école aussi longtemps que leurs frères. Celles qui élèveront les enfants s’il arrivait malheur aux parents. Vous partagez tout ça.

Ton futur mari est parti en Europe, ça fait longtemps déjà. Il a duré à te donner de ses nouvelles. Mais, c’est un homme d’honneur. Maintenant, il t’envoie de l’argent quand il peut. Il te téléphone, alors que les unités, le crédit, coûtent cher, là bas, au pays des blancs. Toi, tu attends. Tu vas bientôt partir aussi, même si tu as un peu peur de quitter. Tu attends ton mariage. C’est son cousin qui sera le mari par procuration. Après, tu demanderas un visa de tourisme, pour rejoindre ton époux. Ta vie sera belle. Comme celle de ta cousine. Celle qui vient d’arriver pour trois semaines de vacances après dix ans d’absence, avec ses trois petits que personne ne connaissait. Tu as vu, elle avait des cadeaux pour toute la famille. Elle t’a tout raconté de sa vie dans ce quartier, près de Paris. Chaque mois, depuis qu’elle est partie, sa mère va chercher son western union. Elle a bien réussi, là bas, ta cousine. Sa mère en est très fière, d’ailleurs !

Certains disent que la vie est dure pour ceux qui vivent chez les blancs, mais, toi, tu n’y crois pas. Ta cousine ne t’a rien dit, et ton futur époux ne parle jamais de ça. Au contraire, il dit que ça va. Il vit avec des frères, dans un grand immeuble moderne, ils ont chacun leur chambre, avec l’eau et l’électricité. Il y a une maman qui leur prépare le maffé quand ils rentrent du travail, et même du riz au gras, parfois.

Tu as une autre cousine qui vit près de Lille, une ville dans le nord de la France. Elle t’a fait jurer de ne répéter à personne que ce qui était difficile, c’était les enfants. Là bas, ce n’est pas comme au village. Si tu chicotes ton enfant, il va se plaindre à l’école. Si tu n’habites pas près de tes frères et sœurs, tu n’as personne pour te garder le petit quand tu dois sortir. Et puis, les enfants qui naissent là bas, les blancs leur demandent toujours d’où ils viennent. Quand tu peux enfin payer les billets d’avion pour venir les présenter à tes parents, on les traite de Français au village. C’est fatigant pour eux. Ils trainent en bande avec les grands frères dans les quartiers. Parfois, ils ont même des problèmes avec la police, et c’est toi qui a la honte, quand tu vas les sortir de là. Mais, tu n’en parles à personne au village, on dirait que tu ne sais pas élever tes enfants.

Toi, tu jures que ce ne sera pas comme ça avec tes petits. Ton époux et toi, vous les aiderez à ajouter le meilleur du tourbillon occidental à vos valeurs maliennes. Ils feront de belles études, et tu seras fière d’eux quand ils décideront de partir s’installer au pays. Tu rejoindras une de ces associations de femmes, là bas, dès ton arrivée. Tu veux même faire partie de la Panafricaine des Femmes, car tu sais que chacune peut œuvrer pour le développement du continent, et qu’ensemble, c’est possible. Tu vas prendre ta vie en main, car tu es fière d’être malienne, tu es fière d’être africaine, tu es fière d’être une femme.

Françoise Wasservogel

Source : Clubs UNESCO

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