Le grand œuvre présidentiel

Tribune de Jacques Cossart parue dans L’Humanité du 29 octobre
Publié le lundi  29 octobre 2007

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On décrit Monsieur Sarkozy comme très attaché à imprimer sa marque sur tout. S’il en est ainsi, comment l’environnement aurait-il pu échapper à pareille obsession ? L’intéressé n’a pas pu, en effet, ne pas remarquer combien ce dossier était alarmant et combien il était au centre de tous les débats, nationaux, européens et mondiaux.

On sait que pendant près de trois millénaires de nombreux mathématiciens ont tenté de résoudre la quadrature du siècle. Ou, comment tracer un carré de même surface qu’un cercle.? Il aura, semble-t-il, fallu attendre la fin du 19ème siècle pour savoir que c’était impossible.

Monsieur Sarkozy entend-il relever le défi ? Souhaitons-lui de ne pas être condamné par les dieux, tel Sisyphe en châtiment de sa prétention, à une tâche impossible, par construction, à accomplir.

C’est pourtant le danger qui guette le Président de la République, mais, de ce fait et beaucoup plus gravement, le citoyens français et, pour partie, ceux de l’Union Européenne et même ceux de la planète.

De quoi s’agit-il en effet ? Rien moins que de mettre en œuvre « une révolution totale dans la méthode de gouvernance ».

Le climat est gravement dégradé, donc la planète est en grand danger. Il n’y a pas à hésiter, il faut limiter les émissions de carbone en réduisant les consommations en énergie : gel des autoroutes, vaste rénovation de l’habitat, réduction drastique de la consommation des pesticides, donc des hydrocarbures. Mais il faut aussi se comporter avec précaution ; aussi faut-il, notamment, geler les cultures OGM et l’installation de nouvelles centrales nucléaires.

Parfait. Il eût été difficile, après les compte-rendus incontestables de la gravité de la situation rendus publics par le GIEC, notamment, de ne pas s’aligner sur le constat unanime des experts.

On sait que la rupture complète, ces dernières décennies, des équilibres observés pendant des millénaires est de nature anthropique, comme disent les experts. C’est l’Homme le coupable, il faut donc lui apprendre à éteindre la lumière quand il quitte une pièce et à fermer son robinet quand il se lave les dents. Nous devons, tous les 6,5 milliards nous astreindre à une conduite vertueuse. Que l’habitant moyen des États-Unis émette, chaque année, 200 fois plus de CO2 que le Nigérien moyen est une sorte de donnée ex nihilo. Cela n’a rien à voir avec le productivisme, l’obsession de la croissance, et la régulation par les seuls marchés, qui l’une et l’autre viennent d’être applaudies à Lisbonne. Mais, prévient l’Elysée, il sera demandé à la Commission Européenne d’étudier la possible mise en place d’une taxe à l’importation qui pèserait sur les produits en provenance des pays ne respectant pas le Protocole de Kyoto ! Mais, prévient Monsieur Sarkozy, cette taxe et les autres ne devra peser « ni sur les ménages ni sur les entreprises », ah, cette fichue quadrature du cercle !

Pourtant la raison fondamentale de ces dérèglements funestes est parfaitement identifiée. L’absence de régulation conduit tout simplement les producteurs, mais tout d’abord les 150 premières transnationales qui ont, aujourd’hui selon la CNUCED, un total d’actifs équivalent à plus de 117 % du total des richesses mondiales produites en un an, à poursuivre sur leur lancée. Seule une contrainte publique est capable de stopper ce véhicule fou. Il faut produire, en grande quantité, des biens publics pour stopper et inverser les courbes mortifères.

Pour ce faire, il faut des ressources, beaucoup de ressources. Le monde est capable d’en disposer à condition de modifier profondément la nature et la répartition des richesses produites. C’est, précisément, là que le bât blesse. Ceux qui sont aux véritables postes de commande, les propriétaires du capital, quoi, ne l’entendent pas de cette oreille. D’ailleurs, Monsieur Sarkozy qui les connaît bien annonce d’emblée la couleur. S’il veut remettre à plat la fiscalité en France c’est pour envisager « la création d’une taxe climat-énergie en contrepartie d’un allègement de la taxation du travail ».

Au moins, de telles déclaration ont le mérite d’être claires, les profits ne doivent pas être touchés. Quand on parle, par antiphrase, d’alléger « la taxation du travail », c’est, en effet, bien de cela qu’il s’agit. D’ailleurs, dans une sorte d’exégèse, Monsieur Bébéar, le patron d’Axa (2 milliards de bénéfices au premier semestre 2007) lance dans Le Monde du jour de la proclamation des ambitions du Grenelle un « Non aux Ayatollahs de la prudence », traduisons, comme l’a d’ailleurs dit clairement Monsieur Attali, « libérons la croissance française ». Mais le gouvernement français, sur injonction de Monsieur Sarkosy, se hâte de mettre cela en oeuvre, en s’attaquent à la Sécurité sociale, au temps de travail et à l’allégement fiscal… pour les nantis.

Il n’y a pas de cercle dont il faudrait obtenir la quadrature. L’objectif est simple, même si son atteinte demande, effectivement, une volonté politique déterminée : il s’agit de définir un autre mode de production qui satisfasse les besoins réels des être humains au lieu de les exploiter, de manière éhontée pour des centaines de millions d’entre eux, qui préserve les ressources limitées de la planète, qui protège son environnement, qui se serve des avancée de la productivité pour faire « décroître » le temps de travail et pour augmenter la rémunération du travail et non celle du capital qui, nous apprend l’OCDE, a accaparé, ces vingt dernières années, 5 points supplémentaires de la richesse mondiale, bref qui serve les 6,5 milliards d’être humains plutôt que les 95 000 ultras-riches qui ont un total d’avoir de quelque 70 % du PIB mondial, selon Merrill Lynch !

C’est en effet pourquoi une faut une « remise à plat » de la fiscalité française pour financer, tout à la fois, la réparation des dégâts environnementaux ET humains provoqués par le productivisme.

Monsieur Sarkozy a raison, c’est bien d’une véritable révolution qu’il s’agit, celle de la démocratie.


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