Le documentaire de Christian Rouaud, Les LIP, tourné en 2006 et projeté au Méliès en sortie nationale, est un petit chef d’œuvre passionné et passionnant. Il se penche avec une attention extrême sur la lutte que les ouvriers de l’usine d’horlogerie Lip ont menée en 1973 et 1974.
Cette lutte locale, dont l’objectif initial était modeste et défensif (conserver des emplois menacés, les actionnaires voulant supprimer une partie des productions de l’usine) est devenue un symbole des luttes sociales de l’après-68. Alors, la France entière a suivi l’aventure des Lip, qui ne faisaient pas la grève comme les autres : ils occupaient leur usine et faisaient tourner les machines à leur profit et non à celui du patron. Une banderole à l’entrée affichait leur principe : « C’est possible, on fabrique, on vend, on se paie ». Lutte qui a fini par payer puisqu’après des mois de conflit, le repreneur a accepté de réembaucher tous les grévistes.
Cette histoire est reconstituée avec minutie à partir des témoignages des ouvriers, filmés en 2006, mêlée à des images d’archives. Du déclenchement spontané de la grève à ses effets après l’élection de Giscard et le choc pétrolier, le film montre comment l’intelligence et l’inventivité des salariés ont mis en échec toutes les stratégies patronales. D’où un optimisme rare dans un film militant : il montre les moyens d’une lutte qui a réussi, le déplacement permanent des objectifs, la métamorphose des formes de conflit, l’ouverture de l’usine sur l’extérieur qui ont déstabilisé les actionnaires et l’État.
La créativité des Lip fait plaisir à voir. Et elle fait que ce film n’offre pas seulement une page d’histoire, il fourmille aussi de suggestions pour les salariés d’aujourd’hui…
Jean-Paul Engélibert
Les deux pages de Libération consacrées au film :
- Lip Lip Lip hourra !
- « Le monteur, mon fils, a été radical »
- Trois ans de lutte
- Besançon remonte le temps
Beaucoup d’informations sur le site du film
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