Silvio Berlusconi renversé par Giuseppe Verdi

Publié le mercredi  13 avril 2011

par  Faugeron Daniel
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Lisez d’abord, puis écoutez et regardez la vidéo en bas de l’article : un grand moment !

Le 12 mars dernier, Silvio Berlusconi a dà» faire face àla réalité. L’Italie fêtait le 150e anniversaire de sa création et àcette occasion fut donnée, àl’opéra de Rome, une représentation de l’opéra le plus symbolique de cette unification : Nabucco de Giuseppe Verdi, dirigé par Riccardo Muti.

Nabucco de Verdi est une Å“uvre autant musicale que politique : elle évoque l’épisode de l’esclavage des juifs àBabylone, et le fameux chant Va pensiero est celui du ChÅ“ur des esclaves opprimés. En Italie, ce chant est le symbole de la quête de liberté du peuple, qui dans les années 1840 - époque où l’opéra fut écrit - était opprimé par l’empire des Habsbourg, et qui se battit jusqu’àla création de l’Italie unifiée.

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Avant la représentation, Gianni Alemanno, le maire de Rome, est monté sur scène pour prononcer un discours dénonçant les coupes dans le budget de la culture du gouvernement. Et ce, alors qu’Alemanno est un membre du parti au pouvoir et un ancien ministre de Berlusconi.

Cette intervention politique, dans un moment culturel des plus symboliques pour l’Italie, allait produire un effet inattendu, d’autant plus que Silvio Berlusconi en personne assistait àla représentation…

Repris par le Times, Riccardo Muti, le chef d’orchestre, raconte ce qui fut une véritable soirée de révolution : « Au tout début, il y a eu une grande ovation dans le public. Puis nous avons commencé l’opéra. Il se déroula très bien, mais lorsque nous en sommes arrivés au fameux chant Va Pensiero, j’ai immédiatement senti que l’atmosphère devenait tendue dans le public. Il y a des choses que vous ne pouvez pas décrire, mais que vous sentez. Auparavant, c’est le silence du public qui régnait. Mais au moment où les gens ont réalisé que le Va Pensiero allait démarrer, le silence s’est rempli d’une véritable ferveur. On pouvait sentir la réaction viscérale du public àla lamentation des esclaves qui chantent Oh ma patrie, si belle et perdue ! ».

Alors que le ChÅ“ur arrivait àsa fin, dans le public certains s’écriaient déjàBis ! Le public commençait àcrier Vive l’Italie ! et Vive Verdi ! Des gens du poulailler (placés tout en haut de l’opéra) commencèrent àjeter des papiers remplis de messages patriotiques – certains demandant Muti, sénateur àvie.

Bien qu’il l’eut déjàfait une seule fois àLa Scala de Milan en 1986, Muti hésita àaccorder le « bis  » pour le Va pensiero. Pour lui, un opéra doit aller du début àla fin. « Je ne voulais pas faire simplement jouer un bis. Il fallait qu’il y ait une intention particulière. », raconte-t-il.

Mais le public avait déjàréveillé son sentiment patriotique. Dans un geste théâtral, le chef d’orchestre s’est alors retourné sur son podium, faisant face àla fois au public et àM. Berlusconi, et voilàce qui s’est produit :

[Après que les appels pour un « bis » du Va Pensiero se soient tus, on entend dans le public Longue vie àl’Italie !]

Le chef d’orchestre Riccardo Muti : Oui, je suis d’accord avec ça, Longue vie àl’Italie mais…

[applaudissements]

Muti : Je n’ai plus 30 ans et j’ai vécu ma vie, mais en tant qu’Italien qui a beaucoup parcouru le monde, j’ai honte de ce qui se passe dans mon pays. Donc j’acquiesce àvotre demande de bis pour le Va Pensiero. Ce n’est pas seulement pour la joie patriotique que je ressens, mais parce que ce soir, alors que je dirigeais le ChÅ“ur qui chantait O ma patrie, belle et perdue, j’ai pensé que si nous continuons ainsi, nous allons tuer la culture sur laquelle l’histoire de l’Italie est bâtie. Auquel cas, nous, notre patrie, serait vraiment belle et perdue.

[Applaudissements àtout rompre, y compris des artistes sur scène]

Muti : Depuis que règne par ici un « climat italien », Muti a parlé aux sourds pendant de nombreuses années [1]. Je voudrais maintenant… nous devrions donner du sens àce chant ; comme nous sommes dans notre Maison, le théâtre de la capitale, et avec un ChÅ“ur qui a chanté magnifiquement, et qui est accompagné magnifiquement, si vous le voulez bien, je vous propose de vous joindre ànous pour chanter tous ensemble.

C’est alors qu’il invita le public àchanter avec le ChÅ“ur des esclaves. « J’ai vu des groupes de gens se lever. Tout l’opéra de Rome s’est levé. Et le ChÅ“ur s’est lui aussi levé. Ce fut un moment magique dans l’opéra. »

« Ce soir-làfut non seulement une représentation du Nabucco, mais également une déclaration du théâtre de la capitale àl’attention des politiciens. »


Source : AgoraVox le media citoyen

[1Note d’une internaute (Patricia) corrigeant la traduction portée sur le site d’origine : Riccardo Muti, sur son nom, fait un jeu de mots appréciable. Dans la langue italienne, muti est le masculin pluriel de l’adjectif muto qui signifie muet [muta, mute : féminin singulier et pluriel, muette(s)].


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