On a été à deux doigts de pouvoir entendre Laurent Fabius dans Des Sous…. Il était d’accord, et puis agenda trop chargé… Dominique Strauss-Kahn, contacté en catastrophe parce que c’est les trois candidats à l’investiture du PS que l’animatrice voulait interroger, a répondu que ce n’était pas actuellement possible. Ségolène Royal, contactée dès Septembre par tous les canaux possibles, n’a pas daigné répondre….
Pourtant, c’est LA question essentielle que l’animatrice voulait poser, celle de l’analyse que chacun de ces candidats fait de l’économie mondialisée à laquelle nous sommes en butte. LA question que les médias classiques ne poseront pas aux candidats parce que l’architecture économique actuelle leur semble un donné, une architecture intangible à laquelle il convient seulement de s’adapter, parce qu’engager la réflexion sur celle-ci est trop lourd de conséquences, d’interrogations graves. Ce n’était pas une seule question que l’animatrice voulait poser, mais trois :
- Quelle analyse faites-vous de la mise en place de la mondialisation libérale ( causes) ?
- Quelles en sont, pour vous, les conséquences ?
- Que faire : rupture(s) ou régulation(s) ?
A défaut de réponses à ces questions, toute velléité d’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens est vouée à l’échec. Car les libéraux ont raison dans le contexte actuel : oui la protection sociale pèse trop sur notre compétitivité ; oui les salaires sont trop élevés ; oui il faut travailler plus ! Ils ont raison !!! Dans un contexte d’économie ouverte, où l’alpha et l’oméga de toute chose est la compétitivité, ils ont raison !!
Toute ma vie je me souviendrai de Laurent Fabius, le 21 Avril 2002, dont les premiers propos sur France 2, face à la défaite, furent : "Il y a un problème d’offre politique"…. Oui oui, pas un égarement des électeurs, comme le laissaient entendre à l’envi les autres intervenants socialistes, pas une dispersion malvenue des votes d’enfants boudeurs face à un bilan "globalement positif"… Non, un "problème d’offre politique". Un PS en retard sur ses électeurs qui trois ans plus tard récusaient le libéralisme en repoussant le projet de Traité Constitutionnel. Mais ce n’est pas tant un problème d’offre politique qu’ un problème d’analyse politique ! Un problème de courage politique. Car poser la question de l’architecture économique actuelle, c’est prendre le risque de lancer le débat sur la légitimité ou pas de la notion de souveraineté sociale et économique, la question tout simplement de la souveraineté, donc de la légitimité des espaces de décision, donc de l’appartenance à l’OMC, donc de l’appartenance à l’Europe, non pas une Europe fantasmée, mais l’Europe telle qu’elle est et dont on n’a guère la preuve qu’elle puisse être autre chose que ce qu’elle est. C’est poser la question de la légitimité de la notion de Nation, les conditions éventuelles de son dépassement, la possibilité ou pas désormais de choix collectifs faits par les citoyens d’un espace géographique et politique donné riche d’une Histoire et d’une culture qui constituent son identité, la question réelle en somme de la démocratie. C’est, enfin, faire de la politique.
J’aurais aimé que les socialistes, au lendemain du 21 Avril, nous fassent part enfin de l’analyse qu’ils font donc de l’architecture économique mondiale qui s’est imposée… J’aurais aimé que les médias classiques leur posent enfin aujourd’hui des questions susceptibles de les amener à s’exprimer sur ces questions…. J’aurais aimé, à défaut, pouvoir poser, moi, aux trois candidats mes trois petites questions… J’aurais aimé …. allez… j’aurais aimé que les socialistes fassent de la politique, qu’ils fassent confiance à notre intelligence comme certains lui ont fait confiance lors des débats de Mai 2005, qu’ils soient réellement porteurs d’un espoir social ancré dans une analyse convaincante de la réalité qui nous entoure… qu’ils ne nous vendent pas leur projet comme si c’était un baril de Bonux avec le cadeau dedans… Oui, qu’ils fassent moins de promesses et plus d’analyses… qu’ils nous entraînent dans un réel "désir d’avenir" , un vrai désir de politique et du vrai courage qui lui est lié - et qui ne saurait être l’adaptation aux impératifs de la mondialisation à moins de renoncer à se revendiquer "progressistes"…
Pascale Fourier,animatrice de Des Sous… et des Hommes, AligreFM
le 5 Novembre 2005
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