Pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. La France émet 378 millions de tonnes de CO2 par an. D’après les climatologues, ce niveau est quatre fois trop élevé par rapport à ce que la planète peut supporter. Le pays s’est donc fixé un objectif, le facteur 4, inscrit dans la loi d’orientation énergétique adoptée en 2005, qui consiste à ramener ces émissions à 102 millions de tonnes de CO2. Autant dire que c’est une opération délicate. Mais le groupe de travail est affirmatif : « oui, le facteur 4 est réalisable ; non, ce ne sera pas facile », est-il écrit dans son rapport remis lundi aux ministres de l’Industrie et de l’Ecologie (1). Chargé de développer des scénarios sur le moyen (2020) et le long terme (2050), le groupe propose 29 recommandations ambitieuses à appliquer « sans attendre 2040 et d’éventuels sauts technologiques » pour avoir une chance d’atteindre l’objectif. « Les recommandations sont conçues comme des propositions de politique publique qu’il est indispensable de mettre en oeuvre le plus tôt possible », rappelle le président du groupe, Christian de Boissieu.
120 sur l’autoroute. A quoi ressemble une société qui fonctionne avec moins de carbone ? A quelque chose que l’on connaît déjà , mais qui doit être développé à grande échelle et à très grande vitesse. Parmi les propositions retenues : la limitation de la vitesse sur autoroute à 120, qui peut immédiatement économiser 2 millions de tonnes de CO2 par an ; la taxation du kérosène ; l’obligation pour les constructeurs automobiles de ne fournir que des véhicules émettant moins de 100 g de CO2 par kilomètre dès 2020 ; le développement des énergies renouvelables (biomasse et hydraulique) et le recours au nucléaire ; la mise en place d’un impôt sur les biens d’équipement et de consommation en fonction de leurs émissions ; des formations pour tous les corps de métier (architectes, chauffagistes, ingénieurs…) ; la relocalisation de l’économie en cessant, par exemple, de consommer des fruits venus d’Espagne en camion ; le transport de marchandises par train ; l’exploitation du bois des forêts pour se chauffer ou fabriquer de l’essence …
Timing. Le facteur 4 fait consensus parmi tous les acteurs concernés (associations, entreprises, élus locaux, députés…), mais certains craignent un timing un peu trop lent. « Nous redoutons que les recommandations du rapport soient mises en oeuvre trop tard », explique André Gastaud, conseiller transports à la Mission interministérielle de l’effet de serre (MIES). « Déjà , pour réactualiser le plan climat [qui existe depuis 2003, ndlr], qui consiste seulement à stabiliser nos émissions, nous avons eu besoin de trois mois, mais surtout de six mois supplémentaires d’arbitrage entre ministères. » Chaque secteur d’activité (transports, agriculture, industrie, bâtiment…) doit consentir à des mesures impopulaires, mais personne ne veut les prendre. Comment par exemple faire accepter aux transporteurs routiers une redevance kilométrique sur les poids lourds ? Chaque ministère a une vision très sectorielle du changement climatique, alors que c’est un sujet à traiter de manière transversale.
Cet été, Nicolas Hulot avait proposé la création du poste de vice-Premier ministre chargé de l’Environnement, pour harmoniser toutes les politiques publiques. Tout comme Laurent Fabius, qui a promis hier après avoir vu le film d’Al Gore qu’il « nommerait un vice-Premier ministre chargé du développement durable, s’il était élu ».
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