Comment peut-on appeler un pays qui accepte de faire
de la misère du monde un spectacle ? Cynique ?
Post-fasciste ? Post-berlusconien ? Je ne sais pas,
mais je sais que j’ai assisté à une preuve
convaincante de ce qui nous attend dans les prochaines
années.
Nous sommes dans un charter bondé de Air Horizon
s’apprêtant à décoller pour Dakar sur la piste de
l’aéroport Charles de Gaulle. Au fond de l’avion,
quelqu’un hurle désespérément. Les hôtesses
accompagnent les passagers avec un sourire. Est-ce un
enfant qui pleure ? Non, c’est un jeune Congolais
qu’on renvoie dans son pays coincé entre deux
policiers. Aucune distance entre eux et les passagers
; les policiers sont rassurants, et prétendent qu’ils
vont le faire taire. Il hurle : « Je ne suis pas un
esclave  », il a les yeux exorbités, le visage
congestionné. Les passagers se retournent, inquiets,
troublés par cette vision qui conjugue le désespoir de
la dernière chance et les méthodes « scientifiques  »
des policiers qui de temps à autres le font
disparaître sous le siège. On leur dit de ne pas
s’inquiéter, que tout se passe normalement. L’avion a
déjà beaucoup de retard, toujours immobile sur la
piste. La situation devient absurde, grotesque, les
hôtesses continuent à sourire et les passagers se
demandent ce qu’ils doivent faire : avoir peur ? Le
sans-papier menace de tuer et de se tuer. S’apitoyer ?
Non, les policiers disent de ne pas se retourner, de
ne pas s’occuper de cette affaire qu’ils vont gérer,
eux.
Quelques passagers vont chercher le commandant de bord
et lui demandent comment va pouvoir se dérouler un vol
(avec escale à Brest) dans des conditions pareilles.
Une passagère sénégalaise raconte que sur un autre Air
Horizon un sans-papier a hurlé pendant sept heures
d’affilée. Parmi nous, beaucoup sont troublés,
bouleversés. Le commandant annonce qu’il a décidé, en
vertu de son pouvoir, de faire descendre le
sans-papier et demande à trois personnes de lui
confier leur passeport pour appuyer sa décision.
Lorsque les trois passagers sont appelés pour
récupérer leur passeport, ils sont aussitôt menottés
et transférés dans la prison du poste de police de
l’aéroport Charles de Gaulle. Passons sur la manière
dont ils sont traités. Privés de tout droit, ils ne
peuvent téléphoner ni à leurs ambas sades, ni à leurs
parents ; on les déshabille, on les fouille, on les
avertit qu’ils auront de sérieux ennuis et qu’ils ne
sont pas près de sortir de là . Passons sur les
conditions de la prison, dignes d’un camp de
concentration : cohue, promiscuité, saleté, manières
plus que rudes, un trou pour faire ses besoins. Une
prison sans même les droits de la prison. Ils devront
attendre douze heures avant d’entrevoir une issue et
de comprendre qu’ils ont le droit d’échapper à ce
cauchemar. Mais tout cela est connu, normal (sinon
pour Amnesty International), c’est le régime de garde
à vue dans lequel l’individu perd son identité et ses
droits et devient, comme dans un camp, une simple
existence dont la police peut disposer à son gré.
Pire encore, ces individus sont coupables d’avoir eu
une sensibilité, de la pitié, des réactions humaines,
de ne pas s’être comportés comme des « collabos  ».
D’avoir refusé comme « normal  » le spectacle de la
souffrance d’autrui. Alors, comment appeler un tel
pays ? Aidez-moi à trouver le mot juste, un nouveau
terme pour le cynisme qu’on exige de nous, pour le
voyeurisme surréaliste face à la souffrance d’autrui.
Un pays qui a perdu le droit humain à la pitié a perdu
une bonne partie de tous les autres droits.
Franco La Cecla traduit de l’italien par Eliane
Deschamps-Pria
France-Sénégal-RDC-immigration Quand les passagers
d’avions s’opposent à des expulsions Par Nicolas
GUBERT
AEROPORT DE ROISSY (France), 15 déc (AFP) -
Des passagers de vols pour Kinshasa et Dakar se sont
opposés avec succès, mardi et mercredi, à l’aéroport
de Roissy-Charles-De-Gaulle, près de Paris, Ã
l’expulsion d’étrangers en situation irrégulière, des
événements qui restent rares.
Mercredi, trois passagers du vol Air Horizons pour
Dakar ont été interpellés après avoir demandé à ce que
soit évacué de l’avion un étranger non-admis sur le
territoire. Cet homme, âgé d’une trentaine d’années
devrait être embarqué dans un prochain vol pour le
Sénégal, d’où il vient d’arriver.
Mardi, la fronde des passagers du vol Air France
Paris-Kinshasa n’avait pas eu les mêmes conséquences
puisqu’il n’y avait pas eu d’interpellation.
Les trois étrangers, dont les pieds et les mains
entravés avaient indigné les passagers, avaient été
sortis de l’avion. Mais ils devaient également être
expulsés dans un vol suivant.
Les passagers interpellés mercredi, deux Français et
un Sénégalais, sont sortis de garde à vue dans la
soirée et seront prochainement convoqués pour de
nouvelles auditions. L’enquête va se poursuivre avec
notamment l’audition des membres d’équipage, a indiqué
à l’AFP une source judiciaire.
Ces trois personnes sont poursuivies pour "entrave Ã
la circulation et à la navigation d’un aéronef et
provocation directe à la rébellion", des délits
passibles de cinq ans d’emprisonnement et 7.500 euros
d’amende.
Une journaliste indépendante, Diane Cazelles, qui se
trouvait à bord de l’avion, a déclaré que les trois
passagers interpellés sont François Goudier, ancien
journaliste du quotidien français Libération, un
écrivain et anthropologue italien, Franco La Cecla, et
un passager sénégalais.
Une source aéroportuaire évoque à leur sujet des
"faits d’outrage, de rébellion" ("ils ont insulté les
policiers, qui les ont menottés et faits sortir de
l’avion"). Une source judiciaire a indiqué qu’il n’y
avait "pas eu de violences envers les policiers".
Selon les premiers éléments de l’enquête, il s’agit
davantage d’une joute verbale que de violences. Les
policiers n’auraient pas évoqué de voies de fait Ã
leur encontre.
Selon une source aéroportuaire, il y a eu "six
affaires de ce genre à Roissy depuis le début de
l’année". "S’il y a une affaire de ce type par mois
traitée par le tribunal de Bobigny (région
parisienne), c’est bien le maximum", renchérit une
source judiciaire.
"Le départ de l’avion est privilégié" systématiquement
par rapport aux procédures d’expulsion, et au final,
"c’est le commandant de bord qui prend la décision" de
laisser ou pas embarquer la personne reconduite, selon
cette source.
Si les procédures pour refus d’embarquer de la part
des expulsés sont légion ("deux à trois dossiers par
jour" Ã Bobigny, selon une source judiciaire), les
récriminations d’autres passagers passent plus
rarement la porte du tribunal.
Quand c’est le cas, les peines prononcées sont souvent
de "trois mois de prison avec sursis", assure une
source aéroportuaire.
Origine : Liste I N F O Z O N E .
s a m i z d a t . n e t
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