Déclaration de Jacques Nikonoff
29 septembre 2006
La vérité est cruelle. Les preuves matérielles d’une fraude lors de l’élection du Conseil d’administration d’Attac sont désormais établies. Tel est le constat unanime que nous avons dressé à la Commission d’enquête. Elle était présidée par Nuri Albala et René Passet, et composée de Catherine Agnias, Aymard de Camaret, Gérard Duménil, Emmanuelle Gaziello, Pierre Khalfa, Jacques Nikonoff.
Nous avons identifié près d’une centaine de bulletins de vote (96 exactement) qui ont été probablement rédigés par une même main. Ces bulletins ont été souvent panachés de façon étrange et comportaient des candidats issus des deux sensibilités qui sont apparues dans l’association, tout en défavorisant les candidats de la liste de Susan George.
Certes, différentes hypothèses ont circulé sur l’origine de ces manipulations : des partisans de la liste de Susan George pour continuer à discréditer la direction de l’association d’avant le 17 juin ; des forces extérieures à Attac dans le but d’affaiblir l’association aux yeux du public et de semer la zizanie à l’intérieur ; une ou plusieurs personnes, croyant soutenir des candidatures partageant ma sensibilité, ayant perdu leurs repères et foulé aux pieds nos valeurs.
Or si toutes ces hypothèses sont plausibles, aucune n’est satisfaisante. Le caractère artisanal et grossier d’une fraude qui ne pouvait qu’être découverte par l’examen physique des bulletins surprend. Si d’aventure une ou plusieurs personnes ont cru, par ce forfait, soutenir des candidatures partageant ma sensibilité, qu’elles sachent qu’aucune circonstance atténuante ne peut justifier de tels comportements que je condamne avec la plus extrême vigueur : ni le chaos du dépouillement, qui offrait de vastes moments de tentation ; ni les attaques personnelles répétées, depuis des mois et des mois, contre les membres de la direction sortante ; ni le harcèlement, les procès d’intention, mensonges et accusations diverses qui ont mis les nerfs à rude épreuve ; ni les tensions de la dernière période.
Ces évènements se sont produits pendant l’exercice de mon mandat à la présidence d’Attac et alors que je siégeais à la Commission électorale.
N’ayant pas l’habitude de me défausser, j’en assume l’entière responsabilité. Il serait mortifère pour l’association de poursuivre un débat qui vient d’être tranché : nous avons désormais la preuve d’une fraude. Faut-il rechercher le ou les coupables ? Evidemment ! Mais pas au moyen d’une justice expéditive et d’une chasse aux sorcières où seraient désignés pour le lynchage des boucs émissaires, à la volée, sans attendre la fin des enquêtes. Une plainte contre X va être déposée, laissons la justice faire son oeuvre et reprenons notre aventure commune. En attendant, la cohorte des procureurs qui s’est levée dernièrement au sein d’Attac saura à qui s’adresser.
A court terme, deux choix radicalement opposés sont désormais offerts à Attac : celui de la division ou celui de la réconciliation. La division consisterait à utiliser cet acte qui semble isolé pour en faire porter la responsabilité à telle ou telle partie de l’association, dans une démarche de règlement de comptes et d’exclusion. La réconciliation, au contraire, consisterait à laisser celui ou celle qui s’est perdu, face à sa conscience, à appliquer la présomption d’innocence tant que l’enquête judicaire n’aura pas identifié le ou les coupables, et à nous remettre vigoureusement au travail, dans une démarche d’unité retrouvée.
La préparation de la nouvelle élection du Conseil d’administration, prévue en décembre, pourrait alors permettre un véritable débat d’idées sur l’avenir d’Attac, allant au fond des choses, dans un climat enfin apaisé. Seuls les adhérents jugeront, par leur vote, ceux qui méritent ou non d’être élus au CA, et pourront laver la honte faite à Attac, en redonnant à tous et à chacun le chemin de la fierté.
La déclaration de Jacques Nikonoff pose plusieurs problèmes.
Pierre Khalfa
a) Des imprécisions dans l’énoncé des faits. Les 96 bulletins frauduleux auxquels fait allusion Jacques Nikonoff ne sont issus que d’une seule lettre, le B. Les autres lots atypiques devaient en contenir d’autres. Comme le note le rapport de la commission d’enquête :
- Pour une partie des bulletins fraudés, dits « camouflés  », les votes portent toujours sur les 16 candidats nikonoviens les mieux placés, accompagnés de 7 autres candidats, non-nikonoviens n’ayant aucune chance d’être élus, et, alternativement, soit Aurélie Trouvé, soit Jean-Marie Harribey, deux personnalités majeures de la liste Susan George (qui, eux, étaient élus à coup sà »r).
- Pour une autre partie des bulletins fraudés, on observe un vote exclusif pour les candidats de la liste de Jacques Nikonoff, en général pour les 24 candidats nikonoviens les mieux placés. Ces bulletins n’étaient pas donc "étranges" mais relevaient d’une stratégie explicite d’organisation de la fraude.
b) Les hypothèses avancées par Jacques Nikonoff sur l’identité des fraudeurs sont inacceptables. Affirmer que la fraude puisse être le fait "des partisans de la liste de Susan George pour continuer à discréditer la direction de l’association d’avant le 17 juin", au-delà même du caractère crapuleux d’une telle affirmation, revient à prendre les adhérents pour des imbéciles. Les adversaires de Jacques Nikonoff allaient être très majoritaires au CA avec 25 sièges (14 élus actifs et 11 fondateurs). Pourquoi auraient-ils fraudé en faveur de leur adversaire ? Pourquoi auraient-ils foutu en l’air une élection dont ils sortaient largement vainqueurs ? Après avoir, pendant des mois, nié vigoureusement toute possibilité de fraude, Jacques Nikonoff essaie en vain avec cette hypothèse de construire, une fois de plus, un ultime rideau de fumée. Il en est de même de l’hypothèse de l’intervention extérieure. Qui sont ces mystérieuses forces extérieures ? La DST, les RG ? Au-delà même du fait que penser que nous sommes à ce point importants qu’une opération de ce type puisse être montée relève d’un autocentrisme paranoïaque, cette hypothèse ne tient pas pour une autre raison. En effet la fraude ne s’est pas faite n’importe comment. Elle a notamment ciblé 5 candidats bien précis qui étaient dans la zone d’éligibilité. Pour ce faire il fallait connaître les résultats intermédiaires. Un des fraudeurs devait obligatoirement faire partie de ceux qui ont compilé les résultats.
c) Comme le note le rapport de la commission d’enquête, "Le caractère artisanal et grossier d’une fraude" s’explique par la fébrilité dont ont fait preuve les fraudeurs. Que celle-ci "ne pouvait qu’être découverte", on ne peut le dire qu’après coup et si Gérard Dumenil et Dominique Lévy n’avaient pas réalisé leur étude, il n’y aurait eu aucune preuve matérielle convaincante.
d) La plainte contre X mettra un an ou deux pour être instruite. Nous ne pouvons pas attendre ce laps de temps pour tirer cette affaire au clair. Il ne peut y avoir de "réconciliation" avec les fraudeurs. Comment le futur CA pourrait-il travailler "dans un climat enfin apaisé" alors même que pourraient y siéger des fraudeurs ? La vérité doit se manifester au plus vite. C’est pourquoi je propose que, par l’intermédiaire d’un avocat, il soit pris contact avec deux experts en écritures agréés auprès des tribunaux pour savoir s’il serait possible, à partir de l’examen des croix dans les bulletins frauduleux, de déterminer, par une analyse graphologique, l’identité des fraudeurs.
e) A la lecture de sa déclaration on ne voit pas bien en quoi Jacques Nikonoff "assume l’entière responsabilité" des "évènements".
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